John Ajvide Lindqvist : Le retour des morts

   Je n'ai pas (ou plus) l'habitude de lire des romans d'horreur, et c'est sûrement pour cette raison précise que celui-là a suscité ma curiosité. La quatrième de couverture décrivant John Ajvide Lindqvist comme le Stephen King suédois, je me suis dit que cet auteur pourrait être une découverte intéressante, d'autant plus que je lis très peu d'auteurs nordiques. Sans oublier que Guillermo del Toro (patience, Crimsom Peak est dans seulement deux mois) le qualifie de "Poétique, subtil et obsédant" et de "conte glaçant comme vous n'en verrez pas avant longtemps." Il ne m'en fallait pas plus.




Résumé de l'éditeur : 
Stockholm, le 13 août 2002... un orage électrique terrasse les vivants... et fait se lever les morts.
Tous ceux qui ont disparu depuis deux mois reviennent à la vie. 
Dans quel état ? Dans quel but ? 
Au cœur de toutes les familles, l'espoir et l'horreur se mêlent bientôt. 
Inextricablement. 

Titre original : Hanteringen av odöla
363 pages




    Mon avis : Pour compléter le résumé, le récit s'ouvre sur un orage électrique particulièrement violent, au cours duquel l'accent est mis sur la souffrance ressentie par les vivants. Quand bien même on ne lirait pas le résumé, il est évident que cet orage n'a rien de naturel, qu'il est d'une intensité inquiétante et totalement inhabituelle. J'ai trouvé que cela constituait une bonne manière de planter le décor car la tension est réellement palpable : on ne peut s'empêcher de se demander si un événement catastrophique et de très grande ampleur ne va pas se produire dès les premières pages. En réalité, certainement en raison du fait que cet orage et les événements soient centrés sur la région de Stockholm, on est loin d'une impression de tragédie de masse comme dans The Walking Dead par exemple. Par ailleurs, le rythme est rapide sans pour autant être effréné, ce qui laisse le temps à l'auteur de poser les éléments petit à petit. 
    De plus, contrairement à ce que laissent supposer certains avis présents au dos du roman, Le retour des morts n'est en aucun cas une pure fiction d'horreur. Si effectivement certains passages sont plutôt "gore", ils restent justifiés et ne ressemblent pas à de l'étalage de détails répugnants gratuit. Le sujet est traité avec beaucoup de sensibilité, d'autant plus que l'on suit en parallèle le sort de trois familles et le "retour à la vie" de leurs revivants - pour reprendre le vocabulaire du roman. On s'attache donc très rapidement aux personnages et il est très facile de partager les émotions violentes qui les tenaillent dès que le retour des défunts est avéré : l'incompréhension, l'espoir, l'horreur, voire la panique... De manière générale, les situations sont traitées de manière approfondie et non pas comme de simples passages effrayants dans lesquels des cadavres revenus à la vie retournent chez eux.
    Les personnages ont donc une psychologie travaillée et ne servent pas seulement de figurants à terrifier dans le but de faire s'angoisser le lecteur. Les premiers à faire leur apparition, David, sa femme Eva et leur fils Magnus ont tout de suite suscité ma sympathie, en tant que modèle de famille plutôt classique - moyenne classe suédoise - mais réussie. Ils joueront un rôle qui a d'autant plus attisé ma curiosité que leur situation diffère quelque peu de celle des autres familles confrontées au "retour à la vie" d'un de leurs proches, étant donné que la personne en question est décédée pendant l'orage. 
     Elvy et sa petite-fille Flora sont les suivantes à être confrontées à ce retour à la vie. Il s'agit cette fois de Tore, le mari d'Elvy, qui reprend tout naturellement le chemin de sa maison... Trois jours après son décès. Si je me suis vite prise d'affection pour la complicité qui lie les personnages d'Elvy et Flora, j'ai fini par les trouver chacune assez caricaturales. Elvy m'a paru ressembler à un portrait bâclé de femme âgée extrémiste religieuse, tandis que Flora aurait pu être n'importe laquelle de ces ados fan de rock, s'auto-mutilant et en conflit avec ses parents. Bien heureusement, ces impressions désagréables se sont dissipées vers les derniers chapitres, mais j'ai bien failli détester Flora, ou plutôt ce que l'auteur en a fait. De plus, même si son personnage a été un bon prétexte à de multiples références à Marilyn Manson, je ne suis pas sûre que les personnes n'aimant pas ce chanteur pourront apprécier ou même situer les titres et les albums auxquels l'auteur fait allusion, ce qui est un peu dommage. Personnellement, j'ai plutôt aimé, mais j'aurais préféré que l'auteur choisisse un chanteur moins subversif que plus de lecteurs auraient pu connaître/apprécier.
    L'histoire déchirante de Gustav Malher (oui, c'est bien le nom du personnage, comme quoi l'auteur a de sacrées références musicales) et de sa fille Anna est la dernière à nous être dévoilée. Je pense que ce sont les personnages que j'ai préférés, même si paradoxalement, leur histoire est celle que j'ai trouvée la plus triste, avec celle de David, Eva et Magnus. Le fait que le défunt ne soit âgé que de huit ans a réellement achevé d'ajouter une forte émotion dans ce roman. 
     Les trois récits en parallèle permettent de distiller les éléments permettant de comprendre le phénomène au compte-goutte, ce qui a pour moi permis de maintenir une tension très forte tout au long du roman. Je n'ai pas réussi à le lâcher, tenaillée par ce "je-veux-savoir-la-suite" que nous font ressentir les bons romans de suspense. L'autre avantage est que les trois cas sont très différents les uns des autres par l'âge du défunt, le moment du décès, l'histoire de la famille et les relations entre les personnages, la façon de gérer le retour à la vie, ce qui fait que le phénomène a été montré de manière très complète. L'ajout d'extraits de journaux télévisés, d'articles et de comptes-rendus a également permis de donner une impression de réalisme, sans que le roman ne soit pour autant de la science-fiction.
    En clair, il n'y a eu que du positif mis à part l'agacement que j'ai pu ressentir pour Elvy et Flora, mais un autre aspect m'a frustrée : aucune explication n'est réellement donnée quand au retour des défunts, ni sur le fait que seules les personnes décédées depuis deux mois revenaient à la vie. C'est d'autant plus énervant que ce n'est pas ce que me laissait supposer le nombre de pistes fournies par le roman. On nous dit comment, mais pas pourquoi, et c'est plutôt dommage. C'est pour cette raison que je ne classe pas le roman dans la SF ; pour moi ce manque d'éclaircissements le place plutôt dans le fantastique. Il n'empêche que pour moi, il mérite les critiques positives. L'ambiance m'a effectivement rappelé ce que j'ai ressenti en lisant Simetierre, de Stephen King.

Commentaires

  1. j'ai beaucoup aimé ce roman! je n'ai pas trop accroché avec Elvy et Flora non plus mais sinon c'était un bon récit qui pose des questions intéressantes :)

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