Marcel Aymé : le Passe - Muraille

 


   Voici un recueil présent dans la bibliographie de l'Atlas des brumes et des ombres, dont je vous ai parlé ici. Je l'ai trouvé excellent, en tant que recueil de nouvelles fantastiques d'abord, mais aussi pour ses sous-entendus. Marcel Aymé a écrit ces textes sous l'Occupation, et cet événement dramatique est présent dans chacune des pages. J'ai adoré le ton irrévérencieux de l'auteur et son pied-de-nez aux ... hum... occupants.

    La première des nouvelles du recueil est très connue et a d'ailleurs été adaptée au cinéma avec Bourvil : il s'agit du Passe-muraille.
    
  "Il y avait à Montmartre, au troisième étage du 75 bis de la rue d'Orchampt, un excellent homme nommé Dutilleul qui possédait le don singulier de passer à travers les murs sans en être incommodé..."

    Je suppose qu'il est inutile de vous détailler cette histoire! Le passe-muraille en question se sert tout d'abord de son don pour effrayer un patron peu commode, puis s'amuse ensuite à cambrioler des banques, des bijouteries, puis à s'évader des prisons dans lesquelles on tente désespérément de l'enfermer. Cette nouvelle a un ton plutôt léger, tout comme "les Sabines", un récit à propos d'une femme ayant le don d'ubiquité, mais je vous recommande de vous méfier de quelques nouvelles au ton apparemment "badin", qui cachent en réalité une signification plus profonde, comme c'est le cas des Sabines.

    La plupart des autres nouvelles ont une tonalité plus dramatique car elles sont plus ouvertement reliées au terrible contexte dans lequel elles ont été écrites. Je citerai par exemple la Carte du temps, dans laquelle le gouvernement s'arroge le droit de décider du temps de vie des citoyens en leur fournissant une carte qui détermine le nombre de jours dans le mois durant lesquels ils pourront vivre, en fonction de leur salaire. Je pense que c'est là une référence directe aux événements des années 40, d'autant plus que les plus riches achètent sans scrupules les cartes des pauvres...
  Je détaille aussi la toute dernière nouvelle qui, elle, n'a malheureusement rien à voir avec l'univers fantastique : treize personnes font la queue devant une épicerie (sachant qu'il y a pénurie alimentaire) et se confient leurs malheurs.

    De manière générale, le Passe-Muraille est un très beau recueil que je vous encourage à lire, ne serait-ce que pour la critique que fait Marcel Aymé de ses contemporains, et pas seulement par rapport à l'Occupation, même s'il semble critiquer férocement la collaboration. Le fantastique a certainement servi, du moins en partie, à éviter la censure en faisant passer les événements des récits pour n'ayant strictement rien à voir avec la réalité, mais ce recueil n'en reste pas moins un bijou du genre, que je vous conseille absolument.


                                                                     La statue Le Passe-Muraille, dans le quartier Montmartre.

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