Théophile Gautier

  


  Je sais, vous connaissez déjà Théophile Gautier. Mais j'ai eu un vrai coup de cœur pour sa nouvelle la Morte amoureuse, présente dans le recueil Nouvelles fantastiques, qui fait pour moi partie des essentiels d'une bibliothèque.

   Dans la Morte Amoureuse, un jeune croyant, Romuald, s'apprête à rentrer dans les ordres. Le problème est que le jour de son ordination, quelques minutes seulement avant qu'il ne prononce ses vœux, apparaît la sublime Clarimonde, une succube. Notre pauvre Romuald est évidemment sous le charme et sa volonté de consacrer sa vie à la religion s'en retrouve bien évidemment ébranlée. Dès cette scène, on voit déjà apparaître le trouble de Romuald, qui sera présent tout au long de l'histoire ; on voit également apparaître une ambiguïté en lui, qui se retrouve partagé entre sa fascination pour Clarimonde et sa foi.
  
   Le narrateur est Romuald lui-même, qui raconte son histoire à un jeune prêtre, en le prévenant des "dangers" de l'amour.  En effet, durant tout sa vie, il reste hanté par Clarimonde et est prisonnier d'une sorte de vie onirique : il est prêtre le jour et compagnon de Clarimonde la nuit, qu'il passe avec elle dans son château... D'ailleurs, et c'est une chose bien connue chez Théophile Gautier, on ne sait pas si Romuald ne fait que rêver sa vie avec Clarimonde ou si elle a bien été réelle, et je pense que Romuald lui-même ne le saura jamais. Si je vous parle d'une habitude de Théophile Gautier, c'est parce que dans la plupart de ses nouvelles, en particulier celles qui composent le recueil Nouvelles fantastiques, l’ambiguïté est très présente et donne une dimension très particulière à chacun des récits dans lesquels elle apparaît ; un des principaux intérêts de l'histoire est que l'on se demande, soit à partir de la fin du récit, soi dès le quasi-début, comme dans la Morte amoureuse, quelle interprétation du récit doit-on faire. Rêve? Réalité? Hallucination? Surnaturel? Le genre fantastique se définit en majeure partie par la présence de ces interrogations dans l'esprit du lecteur... Dans ce cas, Gautier est doublement un grand maître du fantastique : non seulement le lecteur se demande où finit la réalité et où commence le rêve, et si les événements étranges sont le fait d'hallucinations ou d'une intrusion (parfois bienvenue) du surnaturel dans la réalité, mais les personnages principaux se posent aussi ces questions. Un récit fantastique est d'autant plus réussi que le lecteur est incapable de trancher entre deux explications : la rationnelle et l'irrationnelle.
 
  Vous l'aurez compris, cette ambiguïté constante est exactement ce qui m'a le plus captivée dans ce recueil. J''ai vraiment adoré la façon dont Gautier en joue tout au long, puisque qu'on ne sait pas toujours si on a bien affaire à du fantastique ou à une rêverie causée par l'abus d'opium. (ne vous effrayez surtout pas, les opiacées étaient plutôt répandues au dix-neuvième siècle, chez les romanciers et poètes comme chez leurs personnages...)
    Je vous livre la même conclusion rapide que d'habitude : lisez ce bijou!

   J'ai choisi cette couverture pour accompagner l'article pour l'illustration : "le Cauchemar" par Füssli !

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