La vieille Anglaise et le continent

     J'ai découvert Jeanne - A. Debats en lisant son anthologie Destination Univers, présentée avec J. C. Dunyach. On reste dans la science-fiction avec ce très bon recueil de neuf nouvelles, conclues par une postface de... J. C. Dunyach. Décidément. La ressemblance avec le titre du roman d'Hemingway Le vieil homme et la mer n'est peut-être pas totalement fortuite, quoique c'est justement la chasse qui est dénoncée dans la nouvelle éponyme. J'ai beau avoir épluché la post-face, je n'en sais pas plus à ce sujet.




Résumé de l'éditeur :

Certaines propositions ne se refusent pas. Même lorsque vous êtes une très vieille eco-warrior acariâtre et à l’agonie, même si l’offre va à l’encontre de tous les idéaux que vous avez défendus pendant des années : le transfert de votre esprit dans un nouveau corps. Mais ce n’est pas n’importe quel corps qui attend Ann Kelvin, c’est celui d’un grand cachalot, un des derniers de son espèce.


374 pages






Sommaire :

1. La vieille Anglaise et le continent
2. Aria furiosa
3. Saint Valentin
4. Paso Doble
5. Stratégies du réenchantement
6. Privilège insupportable
7. Giles au bûcher
8. Fugues et fragrances aux temps du Dépotoir
9. Nettoyage de printemps

    La première nouvelle du recueil n'est décidément pas faite pour ménager ses lecteurs. Lady Ann Kelvin accepte tout bonnement de prolonger son agonie pour tenter une opération qui permettrait de sauver les derniers cachalots. Si le contexte n'est au départ pas excessivement gai, le reste du récit l'est encore moins, dans la mesure où le vocabulaire ne nous épargne rien des horreurs de la chasse aux baleines. Tout cela n'empêche en rien la nouvelle d'être très poétique, notamment dans la mention du fameux continent, ce qui en fait une très belle histoire. Elle a d'ailleurs été éditée seule avant de faire partie de ce recueil. 
    Restons dans le thème des beaux récits avec Aria Furiosa, ma nouvelle coup de cœur. 
    "Il est parfaitement stupide de tomber amoureuse de son patron. Cela tient de la débilité profonde lorsque celui-ci est homosexuel. Et du masochisme avéré quand, en prime, il s'agit du dernier castrat." Alors non, il ne s'agit pas pour Marie de nous livrer son désespoir amoureux, mais bien de tenter de protéger des nazis occupant la france son patron, Orlando, chanteur lyrique renommé. La nouvelle étant plutôt courte, je ne peux pas vous donner davantage de détails, mais elle a été ma favorite alors que je suis très difficile dès qu'il s'agit de sentiments amoureux - j'ai toujours peur que ça ne verse dans les niaiseries - ça devrait achever de vous convaincre!
    Saint-Valentin, contrairement à ce que son nom laisse entendre, n'a non plus rien de niais. Au contraire, il s'agit de l'histoire de la petite amie de Tanguy, qui n'est autre qu'un tueur en série... spécialisé dans les créatures magiques. En découvrant un nain dans son frigo, elle se demande à quoi ressemblerait une vie normale... Cette nouvelle est écrite sur un ton très humoristique - c'est en fait la seule de ce registre. Je l'ai beaucoup aimée pour ça, d'autant plus qu'elle ne détonne pas dans le recueil puisqu'elle reste assez sombre.
    Je passe rapidement sur Paso Doble, qui est la seule nouvelle que j'ai abandonnée. Il y en a toujours au moins une chaque fois que je lis un recueil/une anthologie, il a fallu que ce soit celle-ci. Comme à chaque fois que j'abandonne un récit alors que j'ai aimé le reste de la production de l'auteur, je ne pense pas que l'histoire elle-même soit en cause, c'est tout simplement moi qui n'ait pas accroché. 
    En revanche, Stratégies du réenchantement m'a beaucoup plu. Le registre d'écriture se situe vraiment dans le familier, une chose dont je n'avais plus l'habitude. Le narrateur est atteint du SIDA 4, et nous relate sa jeunesse, ses aventures, sa relation compliquée avec sa fille... Le contexte de deuxième (seconde?) révolution sexuelle est traité avec beaucoup de profondeur et de justesse, de même que les mises à l'écart dont sont victimes les malades. Cette nouvelle est une réussite.
    Réussie également, la nouvelle Privilège insupportable. Elle est également la plus sombre du recueil, je dirais même la plus dérangeante. Le monde sombre dans le chaos, et les classes sociales décrétées inférieures se retrouvent contraintes à une quantité limitée d'oxygène par saison... La solution que trouve le personnage principal est pour le moins... insupportable. 
    J'ai eu un peu de mal à rentrer dans Gilles au bûcher, mais s'accrocher a porté ses fruits puisque j'ai beaucoup aimé cette nouvelle. Loin d'être aussi malsaine que la précédente, elle reste assez surprenante et les rebondissements sont pour le moins ahurissants. Certains aspects m'ont rappelé Le meilleur des mondes, en particulier la fabrication en chaîne d'enfants et la tentative de construire la meilleure société possible...
    De même, Fugues et fragrances aux temps du Dépotoir a failli ne pas me convaincre, du moins jusqu'à ce que je me rende compte de l'énormité de cette nouvelle. Sérieusement. Si certains choses sont difficiles à comprendre au début, le moment où tout se met en place est tout simplement génial. Elle est la nouvelle la plus longue de ce recueil, ce qui a permis à Jeanne - A. Debats d'en faire une histoire construite, qui aurait même pu aller bien au-delà de ses 80 pages. 
    On passe d'un extrême à l'autre avec le récit-éclair Nettoyage de printemps. J'avoue que je suis passée totalement à côté de celle-ci, j'ai vraiment au l'impression de manquer l'intérêt de la nouvelle et tout ce que le texte seul ne disait pas. 

    Reste que je ne regrette pas d'avoir voulu mieux connaître le travail de Jeanne - A. Debats. Ces neufs nouvelles - ou plutôt, les huit que j'ai lues - ont été des compagnes idéales aux vaguelettes méditerranéennes et aux coups de soleil. Je vous les recommande!

    Oh, et puisque l'article est un peu long de toue façon, oui, j'ai changé le titre du blog et le modèle. L'adresse devrait également changer sous peu. J'avais envie de violet, et les envies de violet, ça ne se discute pas! Et vous avez vous aussi certainement été touché-e-s par le syndrome du Je ne peux plus supporter le visuel de mon blog. Heureusement, ça se soigne en quelques heures de travail.

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