Wilkie Collins : Quand la nuit tombe
Wilkie Collins était un ami très proche de Dickens, et travaillait pour lui en écrivant des articles pour son journal Household Words, puis pour All the year round. Il semblerait que Dickens n'hésitait pas à "exploiter" son ami en ne
lui laissant que très peu de temps pour ses écrits personnels. Malgré
cela, Collins a eu l'occasion, entre autres, de nous régaler de ce
recueil génial : Quand la nuit tombe, publié en 1856 et contenant six nouvelles écrites dans sa jeunesse.
Imaginez un peintre sur le point de perdre la vue en même temps que sa
fortune. Mr Kirby et sa femme Leah,
hébergés par une famille de fermiers, contraints de survivre à l'aide
des travaux de couture de Leah, ont finalement l'idée de mettre par
écrit les histoires extraordinaires que le peintre a récoltées auprès de
ses divers modèles. Étant donné que le peintre est dans l'obligation de
ménager ses yeux précieux, c'est Leah qui consignera dans son journal
les récits incroyables que lui relate son mari, en même temps que leur
quotidien chez la famille de fermiers.
Le journal permet de comprendre comment est venue à Leah l'idée de
conserver grâce à l'écriture les histoires que son mari, jusque là, ne
faisait que partager par la parole. Mr Kirby, d'abord réticent à
l'idée d'exercer une autre activité artistique que la peinture, finit
par céder à l'enthousiasme de sa femme et du médecin et ami suivant l'évolution de sa cécité.
Les nouvelles composant ce recueil sont mystérieuses et dramatiques,
mais -et je sais que je vais vous surprendre- pas la moindre trace de
surnaturel dans ces histoires. En effet, les récits transcrits par Leah
ont été recueillis par Mr Kirby, qui, en tant que peintre itinérant se déplaçant au gré de ses commandes, a souvent
l'occasion de rencontrer des modèles pour le moins inhabituels, ayant eu
aussi vécu ou été témoins de choses inhabituelles...
En réalité, l'expérience a appris à Mr Kirby que non seulement les
portraits étaient bien plus réussis lorsque ses modèles ne posaient pas
mais restaient au contraires les plus naturels possibles, mais également
qu'ils avaient, la plupart du temps, des choses pour le moins curieuses
à révéler. Le peintre a donc pris l'habitude de faire parler ses
modèles de ces curieuses histoires et, pendant que la narration leur
fait prendre une expression relativement passionnée, il en profite pour
réaliser leur portrait sans qu'ils ne se soucient de leur apparence!
Ce recueil m'a amenée à penser que Dickens et Collins sont relativement proches en tant
qu'écrivains, notamment pour leur goût partagé de critiquer leurs
contemporains et leurs mœurs au travers de la fiction. Ils ont d'ailleurs écrit ensemble Voie sans issue, que je n'ai malheureusement pas encore eu le temps de lire (mais un article lui sera consacré dès qu'il aura investi ma bibliothèque!). Pour ce qui est
du style d'écriture, ils restent assez différents mais tous les deux
aussi bons l'un que l'autre. Je serais incapable de les "départager",
quand bien même j'en aurais envie! Je vous conseille très vivement ce
recueil, et j'espère que vous l'apprécierez, que vous connaissiez Dickens
ou non. Pour information, Wilkie Collins s'est inspiré de l'histoire de son père, le peintre William Collins.
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